Un calcul erroné (nouvelle tamoule) – Malan
– Traduit du tamoul par Krishna Nagarathinam
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Malan : Connu sous le nom de plume de Malan, Malan Narayanan ne lé 16 septembre 1950 à Sri villiputhur, au Tamilnadu en Inde, est écrivain, journaliste, éditeur de nombreux magazines tamouls, y compris un magazine internet et rédacteur en chef des télévisions régionale. Et, il est actuellement un des membres de la Sahitya Akademi – une institution littéraire indienne.
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Un calcul erroné
– Malan
« Quand est-ce qu’il va venir, thatta (papi)? » s’impatientait Janani.
Elle avait une question non seulement importante mais absolument nécessaire à lui poser : l’opération de son calcul était-elle correcte ou pas?
Janani regarda la feuille de réponse pour une énième fois. Une ligne rouge barrait le calcul et en marge il y avait un gros zéro. A 4 ans, elle était assez intelligente pour comprendre que cela signifiait que la réponse n’était pas bonne.
Mais comment peut-on dire que sept fois deux égal à quatorze est faux ? C’est ce qu’elle ne comprenait pas.
Ce n’était que le mois dernier que Janani avait fêté son quatrième anniversaire. Pour son âge, on pouvait dire qu’elle était précoce. Elle ne pouvait rester sans rien faire. Alors que ses mains faisaient quelques bêtises, sa bouche était constamment engagée à poser des questions : pourquoi la mer est bleue? Pourquoi les arbres sont verts ? D’où viennent les guirlandes en papier? Est-ce qu’une vache peut attraper un rhume, si elle est trempée par la pluie? Comment un ordinateur peut tout savoir? Dieu, est-il un ordinateur ? Et ainsi de suite.
Répondre aux questions de Janani était comme jeter la pierre sur une ruche. Vous pouviez répondre à une ou deux questions, mais si elle en posait sans cesse, comment l’éviter? Par conséquent, dès qu’elle s’approchait, son père lui disait: « ne me dérange pas»; s’il s’agissait de sa mère, sa réponse était : «tu n’as pas le droit de parler de cette façon».
Par contre, son grand-père avait les réponses à toutes ses questions. Et il ne se lassait pas de lui répondre. Au moment de donner sa réponse, il semblait être ivre de joie comme s’il était devenu un enfant. Petit à petit, le grand- père avait appris à sa petite fille de certaines astuces pour trouver la réponse sans la moindre question. Il lui avait demandé également de penser différemment pour qu’elle ait la réponse. « Tout peut paraitre autrement si on le voit sous un angle différent » disait-il. Il tapa le chiffre ‘7’ sur la calculatrice et demanda à sa petite-fille de le prendre pour la lettre ‘L’en tenant la calculatrice à l’envers. De la même manière, il lui demanda de prendre le chiffre ‘3’ pour un ‘E’, le chiffre ‘Zéro’ pour la lettre ‘O’ et la lettre ‘I’ pour le chiffre ‘1’.
Peut-être le grand-père pourra m’expliquer pourquoi ce calcul est faux?
En voyant la feuille de l’épreuve, le grand-père s’énerva:
« Zéro! Pourquoi? Quelle était la question? Si tu as la feuille de questions, donne-la-moi.»
Prenant la feuille dans la main, il commença à lire à la haute voix:
« Il y a sept jours dans une semaine donc combien de jours y’a-t-il dans deux semaines? »
Il déplia la feuille de sujet et y voyait: 7×2=14.
Mais sur le problème il y avait une ligne rouge de sa maîtresse et à côté, dans la marge, un gros zéro.
« Thatta! Est-ce faux ? Si c’est faux, pourquoi? » Interrogea Janani.
« C’est ce que je ne comprends pas! » répondit son grand-père.
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Le lendemain, le grand – père alla voir la maîtresse de sa petite fille à l’école. Il lui montra la feuille de réponse.
« Pouvez-vous me dire ce qui ne va pas dans cette réponse?»
« Certainement. Elle est fausse »
« Comment cela? »
La maîtresse leva la main pour lui couper la parole et répondit :
«Je vais vous expliquer. Nous avons fait ce calcul en classe ».
«Par quelle méthode?»
« Une semaine compte7 jours, donc dans deux semaines il y’a 2×7=14 jours ».
«D’accord, mais si l’enfant veut écrire 7×2=14, est-ce faux?»
« Absolument! Il faut écrire comme on l’enseigne en classe. On a appris que 2×7=14, et donc écrire 7×2=14 est incorrect».
« Mais Madame, c’est injuste! » s’écria le grand-père avant d’ajouter:«Je vais voir le Directeur ».
«Allez-y ! » La réponse de la maîtresse était arrogante.
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Le directeur avait remplacé ses lunettes par une paire de lunettes de lecture et étudia la feuille d’examen et la feuille de sujet, l’une après l’autre pendant quelques secondes. Il écouta attentivement la parole du grand-père. Puis il fit venir la maîtresse de Janani. Elle se présenta aussitôt comme si elle s’y attendait, avec un cahier à la main.
« Madame, c’est quoi cette histoire ? » lui demanda le directeur.
« Monsieur, on a déjà montré en classe comment résoudre ceproblème. » dit-elle en posant le cahier qu’elle tenait sur la table du directeur et en ajoutant « mais cette élève n’a pas répondu à la question comme on lui a appris »
Le grand-père se met en colère. « On ne peut pas dire que 7×2=14 est faux à cause de cela! »
« Il ne faut pas le prendre comme ça, Monsieur! Le but de cette épreuve est de savoir avec quelle attention un élève suit la classe » se défendit la maîtresse.
« Je suis désolé, Monsieur. Avec cette information, on peut déduire que votre petite-fille ne fait pas suffisamment attention en classe. Vous devriez être plus strict avec elle » dit le directeur de l’école.
Le grand-père se leva brusquement, poussant sa chaise en arrière.
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Cela faisait plus de deux heures que le grand-père attendait sur un banc pour rencontrer le recteur. Il passa le temps en regardant des liasses de papiers posées sur le banc du couloir faire l’aller-retour dans le bureau du recteur afin d’obtenir sa signature. Le recteur l’appela lorsqu’il était sur le point de partir, après avoir fini toutes ses tâches.
« Bonjour Monsieur. Je suis pressé, donc vous n’avez que 5 minutes pour me raconter toute votre histoire» lança le recteur, lorsque le grand-père entra dans la pièce.
Alors que le grand-père se hâta de raconter ce qui était arrivé, le recteur lui coupa la parole.
« Ce n’est pas de notre compétence, la maternelle »
« Peut-être, mais ne voyez-vous pas d’injustice? »
« Comment? »
« Donner un zéro pour une réponse pourtant correcte !»
« On ne peut pas dire que votre petite-fille a complètement tort, on pourrait même dire qu’une partie de sa réponse est correcte. »
Le grand-père a pris quelques secondes pour réfléchir :
« Pouvez-vous me donner une attestation disant que la réponse de ma petite fille est correcte au moins partialement ?»demanda le grand-père.
« Une attestation? Pour dire que 7×2 égale à 14? »
« Non, mais… »
« Écoutez ! Premièrement, cela ne relève pas de ma juridiction. Deuxièmement, Gandhi lui-même a dit que « la fin est dans les moyens », n’est-ce pas ? ».
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Sur le chemin du retour, le grand-père pensa à aller voir le ministère de l’éducation, mais il lui était difficile de décider. Pour l’instant, il était préférable de parler aux parents de Janani avant d’aller plus loin. Les parents de Janani pourraient croire que demain ce sera leur fille, seule, qui en subirait toutes les conséquences et pourraient lui en vouloir, songea-t-il. Cependant, comment peut-on être simple spectateur lorsque quelqu’un se montre injuste envers un enfant ? Un homme sensible comme lui ne peut pas rester inactif, pensa-t-il.
Le soir même, quand tout le monde fut réuni à table, le grand-père décida d’aborder le problème.
«Oui, sa maîtresse a tort, mais pourquoi diable notre fille n’a pas suivi la méthode apprise en classe. « dit le père de Janani.
« C’est vrai, elle n’a pas fait comme on lui a appris, mais est-ce une faute pour autant? » répondit le grand-père.
« Pourquoi n’a-t-elle pas écrit ainsi? » demanda la mère de Janani.
« Ça, il faut le lui demander. » commenta le grand-père.
« Janani ! » le père de Janani l’appela d’une voix stricte.
« Oui papa ! » l’enfant vint en courant.
« Si une semaine comprend sept jours, combien de jours comptent deux semaines ? »
« Pourquoi pose-t-il la question de la maîtresse ? » pensa Janani, confuse. Après un peu d’hésitation « 14 ! » répondit-elle.
« Comment?»
« Sept fois deux est égale à quatorze.»
« Comment cela 7×2? Dans une semaine, il y’ a sept jours, donc il faut faire deux fois sept, non? »
« Non thatta (Papi)! Une semaine se compose d’un dimanche, d’un lundi, d’un mardi, ainsi on a sept jours. Maintenant dans deux semaines, nous avons deux dimanches, deux lundis … » Janani continua à ouvrir ses doigts « tous les sept jours viennent deux fois et donc 7 x 2 » termina-t-elle.
« Superbe » s’écria le grand-père. « C’est une réflexion différente. Alors que toute la classe s’est conduite comme un mouton, à l’aide de ton cerveau, tu as résous le problème. C’est l’esprit de créativité ! Voilà l’intelligence ! » Dit le grand-père rempli de joie.
« Appa (Papa)! Il n’y a pas raison de célébrer. C’est plutôt le contraire. « rétorqua le père de Janani.
« Que dis-tu ? »
« Janani n’est pas garçon, c’est une fille, ne l’oublies pas! Si une fille ne réfléchit pas comme on lui apprend, quand elle deviendra adulte, elle posera trop de questions. Plus tard, nos traditions, nos rites ainsi que nos croyances, tout sera questionné. C’est elle qui sera blessée par cette pensée différente si elle n’arrive pas à parvenir à un consensus ou à un compromis avec le reste du monde. Non seulement elle, mais d’autres aussi souffriront par son attitude. »
« Et donc.. »
« Janani, tu dois faire comme ta maîtresse t’a appris. Évite d’être trop intelligente » dit le père en se levant de sa chaise.
Les yeux du grand-père étaient posés sur la petite pendant un certain temps puis il l’a pris dans ses bras, en larmes.
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